Le rémouleur se déplaçait avec sa petite charrette, sa voiture bringuebalante, son engin bizarre, fait de poulies, de roues et de courroies. Sur sa charrette se trouvait également une meule, généralement à eau et mécanique. Le mécanisme était actionné par le rémouleur à l’aide d’une pédale, une boîte de conserve percée distillait les gouttes d’eau nécessaire pour mouiller la meule.
Une fois stationné à un endroit précis, le plus souvent à l’ombre des tilleuls ou platanes d’une place en été, ou à l’abri d’un pignon de maison en hiver, il agitait une clochette pour signaler sa présence. Les femmes s’empressaient. On lui amenait les couteaux Laguiole que l’on possédait, le rasoir dit « coupe-choux » du mari qui ne rasait plus, une paire de ciseaux rouillée, les couteaux de cuisine, la faucille, tous ces différents objets tranchants qui nécessitaient d’être affutés, remis à neuf afin de pouvoir être à nouveau fonctionnels.
Pendant que le rémouleur s’affairait, les femmes discutaient entre elles et les enfants assistaient au spectacle où les étincelles virevoltaient au milieu des bruits stridents de la meule limant l’acier.
Vers 1400, une véritable corporation des émouleurs est créée. Ces hommes proposaient un savoir faire unique qui se transmettait au fil du temps. N’était pas rémouleur qui voulait, il fallait être forcetier, c’est-à-dire forgeron ou coutelier, donc maîtriser les techniques de fabrication des couteaux Laguiole en autre, pour pratiquer l’affutage.
Afin d’apporter de la longévité à ces pièces uniques faites à la main, il convenait de les amener chez le rémouleur, qui lui affûtait de manière très rapide l’outil en travaillant d’une façon minutieuse l’angle de coupe. Il fallait qu’il soit efficace et précis afin de ne pas tordre ou caser la lame.
Au début du XXème siècle, en Europe, le métier de rémouleur était une spécialité des Yéniches, surnommés aussi « Tziganes blancs ». Ce sont des personnes appartenant à un groupe ethnique semi-nomade d’Europe, dont l’origine semble varier selon les familles. On les trouve principalement en Allemagne, Suisse, France, Autriche… Ils ont leur propre langue, la langue yéniche.
Le métier de rémouleur, qui était encore très commun jusqu’à entre les deux guerres mondiales, a largement disparu en France au XXIème siècle. Le rémouleur, comme de nombreux autres petits métiers, est victime du progrès. Les couteaux Laguiole en inox s’usent moins vite et les utilisateurs, soit affutent leur couteau Laguiole eux même, soit le rapportent auprès des couteliers pour l’affutage et l’entretien de leur couteau.
L’endroit, où le rémouleur travaillait, devenait vite le rendez-vous des commères qui, dans l’attente de leur tour, profitaient du repassage des lames pour s’aiguiser la langue !
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